La taule coute chère...c'est le prix de ta "non-liberté".


Quoi de plus classe que de pouvoir inscrire - Ancien interne de l'administration pénitentiaire - sur une plaque de cuivre en bas de chez toi ?

- Mais je ne veux tuer personne, objecteras-tu ! Qui te le demande ? Crois-tu qu'il faille être président d'association, dirigeant d'Elf-Aquitaine ou avoir été ministre de la santé pour prétendre aller en prison ?

Tu n'y es pas du tout. Nous sommes en France, il est donc très facile d'aller en taule sans massacrer la moitié d'une école. Un accident de voiture peut suffire.
« Crois-tu qu'il faille être président d'association, dirigeant d'Elf Aquitaine ou avoir été ministre de la santé pour prétendre aller en prison ? »
Ou alors oublier de payer la pension alimentaire à ton ex. Ou bien te planter dans tes comptes et faire quelques chèques sans provision. Ou encore faire faillite avec ton épicerie de quartier. Parfois, il suffit d'un voisin jaloux, ou tout simplement que le hasard ne t'ait pas à la bonne... Comme tu vois, il est très facile d'aller en prison, surtout si tu as la chance d'avoir le teint mat ou un accent "étrange", auquel cas il suffit d'oublier tes papiers avant de sortir.

D'ailleurs l'administration Européenne et des organisations non gouvernementales très respectables lorsqu'elles s'occupent de ce qui se passe chez les autres nous reprochent assez cette grande facilité d'accès.

Il y a en France, en arrondissant, 57000 taulards en permanence, pour 50000 places théoriques (un peu moins si on retire les cellules insalubres). Pourtant, on n'a jamais vu un écriteau annonçant "complet" à l'entrée d'une prison. Dans la réalité vraie, en maison d'arrêt on arrive facilement à faire tenir trois détenus par cellule. Et comme il ne sera pas dit que l'administration laissera quelqu'un sur le pavé, on rajoute un quatrième matelas par terre si on ne peut pas faire autrement.

Les maisons d'arrêt sont fréquemment installées dans d'anciens couvents ou monastères ayant été réquisitionnés par l'état lors de la dernière révolution (1789, pas 1968).

Comme très peu de travaux ont été faits depuis, les conditions d'hébergements peuvent parfois faire l'objet de critiques.

Toutes les maisons d'arrêt ne se valent pas. Il faut te renseigner à l'avance afin de choisir le lieu de ton arrestation. Michelin prépare actuellement un guide des meilleurs commissariats, gendarmeries et maisons d'arrêt. En attendant sa parution, ne pas hésiter à poser des questions à ton entourage.

En maison d'arrêt, la durée moyenne de détention est légèrement inférieure à six mois, et six mois, c'est vite passé. Mais pas toujours. Un séjour en prison ne s'improvise pas, il faut te préparer si tu ne veux pas que l'affaire tourne mal. Notamment prévoir un peu d'argent car en prison tout se paie, pas seulement sa dette envers la société.

Etre taulard sans avoir d'argent est fortement déconseillé

C'est pourquoi il vaut mieux commencer ton apprentissage de l'exclusion par la prison. Y venir plus tard, une fois officiellement exclu et sans un rond, peut être très préjudiciable à l'idée que tu te fais de la dignité.

Ne compte pas sur une aide de l'état du genre ASSEDIC ou RMI, ça n'existe pas en cellule, il faudra te débrouiller autrement. Ne compte pas non plus y travailler pour te faire un petit pécule.
D'une part, en maison d'arrêt, il n'y a pratiquement que le travail dit de service général (cuisine, ménage des couloirs, bibliothèque...) et les places sont rares, une vingtaine pour une taule standard de 300 assassins. Ce travail est très mal rémunéré, et si tu parvenais à gratter 200 euros par mois, ce serait bien beau et tu ferais des jaloux, ce qui est dangereux dans ce milieu.
D'autre part, il y a parfois la possibilité de travailler en cellule mais la surpopulation fait disparaître cette solution. De toute façon, être payé quelques centimes (de francs) par pièce assemblée ne te mènerait pas bien loin.

Il n'y a qu'en centrale qu'il est possible de tutoyer le SMIC, mais cela sort de ce qui nous intéresse ici.

Certes, en prison loyer, gaz et nourriture sont pris en charge par l'Etat. Mais il faut payer la télé, qui est louée à des sociétés externes. Pour avoir une idée des tarifs, va par exemple chez Locatel et demande-leur combien ils facturent une location mensuelle, puis multiplie ensuite le chiffre par deux ou trois pour être près de la vérité.
N'espère pas non plus disposer d'une cellule sans télé pour faire des économies, c'est télé pour tout le monde. Pour une excellente raison : depuis qu'elles sont installées, les taulards sont bien plus abrutis par le matraquage télévisuel que par le plus agressif des gardiens. C'est facile à comprendre : regarde l'effet produit par 3 heures de télé par jour, moyenne nationale, et imagine ce que peut donner l'exposition à plus de 14 heures quotidiennes de TF1, 7 jours sur 7...

Si tu n'as pas d'argent, il va falloir payer la télé autrement. Ne tenant pas à être censuré par mon fournisseur d'accès Internet préféré, je te laisse imaginer les diverses ouvertures possibles, si je puis m'exprimer ainsi...

Logiquement, la télé devrait être payée par l'administration pénitentiaire. Sans l'anesthésie qu'elle provoque, la surpopulation carcérale serait ingérable et obligerait à construire de nouvelles prisons et à embaucher du surveillant à pleins fourgons.

Tu peux bien sûr te faire envoyer des mandats, mais quel intérêt pour quelqu'un qui ambitionne de devenir exclu ?

L'administration prélève automatiquement des provisions sur tous les revenus dont tu pourrais disposer, d'une part pour rembourser les probables amendes qui te collent au train ou dédommager d'éventuelles victimes, d'autre part pour constituer un pécule destiné à faciliter ta sortie.

Les occasions de dépenser de l'argent sont nombreuses en cellule

Si, par exemple, tu veux améliorer l'ordinaire en buvant un café après chaque repas, pas de problème. Il suffit de cantiner, c'est-à-dire commander auprès des gardiens un paquet de café et un kilo de sucre et à te débrouiller pour la tasse et la petite cuillère. Le prix demandé varie fortement d'une prison à l'autre, les gardiens étant libres de faire les courses où ils veulent. A voir les tarifs pratiqués, il serait étonnant qu'ils se fournissent en grande surface . Si l'eau du robinet n'est pas assez chaude pour le café, il faudra te bricoler un "toto", astucieuse application des lois de l'électricité malheureusement mal supportée par les fusibles.

Le tabac revient aussi très cher, que tu sois fumeur ou non. En cellule, tu n'as pas d'argent dans la poche, tu as du tabac. Si ton codétenu te demande un café, il paie en tabac. Si tu demandes un service à quelqu'un, tu l'échanges contre du tabac. C'est la monnaie locale, et il vaut mieux en avoir toujours sur soi, ne serait-ce que pour calmer les ardeurs d'un voisin de cellule au sang chaud. Sans argent, pas de tabac. Sans tabac, c'est à tes risques et périls.

L'administration fournit aux indigents un savon, un rouleau de papier cul et un paquet de rasoirs jetables. Une fois ce viatique épuisé, il te faudra cantiner. Par chance ou par manque d'installation, la douche n'est obligatoire que tous les quinze jours. Les conséquences sur l'odeur des cellules surpeuplées ne sont pas aussi dramatiques qu'on pourrait le craindre et au bout de quelques jours on ne sent plus rien.

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